Un éclair traverse le ciel. Il le traverse avec une lenteur infinie. On dirait qu’il le retient. Il n’y a plus de coulée de boue, plus de colline, plus de montagne, il n’y plus que cet arc électrique qui irradie la nuit mauve. C’est une véritable attraction, les gens viennent de loin, ils ont pris la voiture, ils ont mis des lunettes de soleil. Il y a des collectionneurs, des critiques, je me dis bon au moins ils ont fait le déplacement. Mais l’éclair commence à pâlir. Et la foule continue d’affluer. J’ai l’impression d’avoir déjà vécu ce moment.
Romain Pierre _ Extrait du texte de médiation.


Paul Gaillard
UNE VIE COMMUNE
Objets

Paul Gaillard vit à Cametours, dans la Manche. Il est acteur, auteur, cinéaste et plasticien. Où qu’il se déplace, dans les villes, les campagnes, il porte son regard sur ce qui paraît abandonné, en déclin. Ces objets cherchés, il les recueille, les étiquette, et en tire des histoires qui nourrissent ses œuvres. Depuis peu, il parle de remédiation – mot qu’il a découvert en jouant le Yi King, et qu’il entend comme une manière de redonner de l’espace aux choses qui en étaient privées, pour les re-présenter au monde. Dans la colline, il a découvert une décharge sauvage, détritus d’une maison et d’un atelier. Maintenant, et pour trois jours, ces objets sont le vocable d’une nouvelle écriture, sèche, brute, qui croise les genres et opère des rencontres.
Anne Larouzé
TOUT DOIT DISPARAÎTRE...
Interventions in situ

Anne Larouzé vit et travaille entre Marseille et la Tuilerie Bossy de Gardanne. Depuis 2014, elle manie l’argile dans des projets d’art et de design d’objet avec une appétence pour les installations in-situ et les croisements disciplinaires. Depuis peu, elle ouvre le champ de son travail à d’autres médiums. Abordant cette résidence comme une page blanche, elle a longuement arpenté la colline, prêtant attention aux roches, aux arbres, aux édifices, à l’écoute de l’ensemble des mouvements qui ont ici laissé leurs empreintes et qui, discrètement, sont à l’œuvre. Tout doit disparaître… est une série de trois interventions (le mot, pour elle, a son importance), qui peuvent se lire comme une réflexion sur l’érosion, le passage du temps sur les matières et les mémoires.
Chen-Kang Wang
CHANSON DE PAPILLON
Performance / récit

Diplômé de l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence, Chen-Kang Wang rédige actuellement à l’EHESS un mémoire sur l’état mental d’exil intérieur. Un état qu’il associe à l’impossibilité de s’exprimer, et dont il cherche l’issue à la lisière de la littérature et de la performance. La résidence a été l’occasion de mettre sa recherche à l’épreuve, car, face aux nombreuses fictions qui sédimentent le domaine, il a questionné la place de sa parole et son pouvoir d’action. Et puis, avec un poème et des papillons en papier – à Taïwan, les papillons nous relient aux morts – il a ouvert le champ d’une rencontre. Comme souvent dans son travail, Chanson de papillon creuse le dépaysement. C’est dans cette réalité troublée, entre le sens des mots et le sens des gestes, qu’il cherche un passage. Un passage que l’on pourrait emprunter ensemble, pour réveiller une image enfouie. Un paysage coupé de tout, mais non de soi.
Pali Meursault
FORÊT DES ONDES # 1
Installation d’écoute

Basé à Grenoble, Pali Meursault est artiste sonore. Quelle que soit la forme visée, sa recherche s’appuie sur l’enregistrement de terrain, et prête attention à l’imperceptible pour révéler en creux les sujets politiques et environnementaux qui conditionnent nos relations aux espaces. Dans celui-ci qui semble en retrait du monde, il a utilisé un pin comme antenne naturelle – la montée de sève jouant le rôle de conducteur électrique – capable d’intercepter les ondes générées par des évènements ayant lieu aux confins du globe. Prévue pour être déclinée sur plusieurs essences d’arbres et dans plusieurs pays, Forêt des ondes se veut dans le temps long une approche de l’écologie électromagnétique, mais aussi une aventure de l’écoute, où des sons qui s’apparentent à du parasitage, d’infimes nuances, peuvent devenir évènements et paysages.
Clémentine Schmidt
FORAGE - 1
Installation vidéo

Diplômée de l’ESAD de Reims et de la Design Academy d’Eindhoven, Clémentine Schmidt est vidéaste, créatrice sonore et autrice. À Rotterdam, où elle vit depuis six ans, elle explore les relations qui nous lient à nos environnements visuels et nos paysages intérieurs. Arrivant au domaine Saint-Joseph, c’est le sentiment d’un temps particulier, comme suspendu, qui l’a émue. Elle s’est longuement imprégnée de ce sentiment, captant partout et à toute heure des images et des sons, qu’elle a ensuite ressassés, re-captés, remodelés… Comme si c’était le temps lui-même qu’elle travaillait, qu’elle étirait, afin d’y pouvoir mieux entrer. Clémentine pense à ces édifices religieux, où, dans l’épreuve du temps, ne demeurent que les images qu’on projette. La sienne est la trace d’un échange.
Pierre Ducrozet
INTÉRIEUR JOUR
Pièce sonore

Pierre Ducrozet vit à Barcelone. Il est l’auteur de six romans, dont L’invention des corps(prix de Flore), Le grand vertige (prix Mottart) et Variations de Paul. Inspiré par le silence et la force méditative des lieux, il a profité de la résidence pour se lancer dans l’écriture d’un récit introspectif : Autoportrait sans moi. Il a marché aussi, beaucoup. Et les paysages, peu à peu, ont fait des jeux d’ombres sur ses souvenirs. La maison de l’enfance, la mer pas si loin, la promesse de l’été, la lumière éclatante... Poursuivant le dialogue, Pierre a enregistré plusieurs fragments de textes, et a choisi de les faire résonner dans la grotte, là-haut, où les religieux se retiraient autrefois en ermitage. Se retirer, lui aussi. Laisser tourner les mots à l’intérieur, dans l’obscurité. Et voir la lumière qu’ils révèlent.

Résidence : 11/05 ︎︎︎ 04/04/24.
Restitution : 05/04 ︎︎︎ 07/04/24 _ Dans le cadre de la 2ème Biennale d’Aix.
Artistes : Pierre Ducrozet, Paul Gaillard, Anne Larouzé, Pali Meursault (en partenariat avec LABgamerz), Clémentine Schmidt, Chen-Kang Wang (en partenariat avec l’ESAAix). 
Curation : Romain Pierre, assisté de Fanny Perreau.
Soutiens et partenaires : Fondation d’entreprise AG2R LA MONDIALE pour la vitalité artistique, DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, Région Sud, Aix-en-Provence, Le Tholonet, LABgamerz, École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Léo Marchutz School of Drawing and Painting, Domaine des Artauds, Secrets d’ici, Aquae Maltae.